MATRIARCAT, VRAIMENT?

D’aucun-e-s reconnaissent que le Québec, à l’instar de bien d’autres sociétés, est basé sur le patriarcat, à savoir sur une organisation sociale et familiale dont le fondement est la descendance par les mâles et le pouvoir paternel.1 C’est ainsi que les enfants à qui on accorde un seul nom de famille portent presque inévitablement celui du père, que la résidence familiale a été longtemps qualifiée de résidence paternelle, qu’un mari pouvait corriger sa femme, que les garçons avaient accès aux études au détriment des filles, que l’aîné des garçons était souvent le principal héritier et que jusque dans les années 80, la femme mariée portait le nom de famille de son époux… pour ne citer que quelques exemples.

C’est parce que des femmes ont entrepris de dénoncer les violences conjugales masculines qu’aujourd’hui il n’est plus permis au conjoint d’agresser sa femme en toute impunité. La mise au jour des violences auxquelles se livraient certains hommes a permis d’en analyser les fondements et que soient pointées du doigt les valeurs patriarcales. Depuis, la recherche d’égalité entre les hommes et les femmes a fait d’indéniables progrès. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, certains estiment que le féminisme est allé trop loin, que les femmes ont aujourd’hui trop de droits, trop de services, trop de pouvoir! La quête d’égalité en dérange certains. Dans toute situation inégalitaire, pour que s’installe l’équilibre, cela exige que du côté défavorisé il y ait des gains. Dans le cas de l’égalité femmes-hommes, les femmes ont gagné certains droits, les hommes ont perdu certains privilèges. Il n’en fallait pas plus pour que s’organise une levée de boucliers. On prétend depuis que les femmes sont aussi, sinon plus violentes que les hommes (même si les statistiques officielles démontrent le contraire), que l’égalité est atteinte (même si le salaire des femmes demeure inférieur à celui des hommes et qu’elles sont minoritaires dans les lieux décisionnels). Certains poussent l’audace jusqu’à affirmer que le Québec est une société matriarcale. Mais qu’en est-il?

Le matriarcat se définit comme un système social, politique et juridique dans lequel les femmes jouent un rôle prépondérant.2. Au plan juridique, les femmes exercent-elles un rôle plus important que les hommes? En 2018, le nombre de femmes juges s’approchait de celui des hommes, 49 % contre 51 % pour l’ensemble des juges et, pour les juges de la Cour suprême, 48 % contre 52 %. Les hommes demeurent légèrement majoritaires et le juge en chef est un homme. Au plan politique, rappelons que les femmes n’ont le droit de vote au Québec que depuis 1940. Bien que certains gouvernements aient opté dans un passé récent pour un conseil des ministres paritaire, les hommes se voient confier des portefeuilles plus importants et des ministères plus prestigieux que les femmes. La zone paritaire entre les femmes et les hommes à l’Assemblée nationale vient d’être atteinte, et ce pour la toute première fois de notre histoire. Au plan social, le sexisme demeure, les tâches domestiques et familiales continuent d’être davantage effectuées par les femmes qui subissent de ce fait une charge mentale plus importante, les femmes sont victimes de la taxe rose et paient plus cher que les hommes divers produits et services, etc. Devant ces constats, peut-on sérieusement prétendre que le matriarcat règne au Québec? Certainement pas! Cette affirmation sert plutôt à revendiquer un statu quo, voire un retour en arrière quant aux droits des femmes. Ne soyons pas dupes! Nous empruntons les mots d’André Léo pour formuler nos souhaits pour 2019 : « Aux hommes tous leurs droits et rien de plus, aux femmes tous leurs droits et rien de moins. »